Au regard de la réglementation en vigueur, la profession de pharmacien est dotée d’un double statut.

En effet, la profession de pharmacien appartenant à la catégorie des professions libérales réglementées du secteur de la santé, celle-ci est soumise au contrôle de l’Ordre National des Pharmaciens. Cet organisme professionnel de droit privé doté d’un pouvoir administratif et juridictionnel non négligeable veille au respect de l’ensemble de règles déontologiques de la profession.

En outre, les pharmaciens libéraux bénéficient du statut de commerçants ; raison pour laquelle l’officine de pharmacie doit impérativement faire l’objet d’une inscription au registre du commerce et des sociétés.

Dans ce contexte, le choix de la forme juridique de l’officine de pharmacie lors de son ouverture ou de sa reprise par le praticien peut s’avérer crucial.

À l’heure actuelle, le Code de la santé publique offre la possibilité aux officines d’opter pour une des nombreuses formes juridiques existantes, et notamment pour :

  • L’entreprise individuelle (EI) ;
  • La société en nom collectif (SNC) ;
  • La société à responsabilité limitée (SARL) ;
  • L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et,
  • La société d’exercice libéral (SEL) sous ses différentes déclinaisons, à savoir :
    – La société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) basée sur les statuts de la SARL ;
    – La société d’exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée (SELURL) basée sur les statuts de l’EURL ;
    – La société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) basée sur les statuts de la société par actions simplifiée (SAS) ;
    – La société d’exercice libéral par actions simplifiée unipersonnelle (SELASU) basée sur les statuts de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ;
    – La société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) basée sur les statuts de la société anonyme (SA) ;
    – La société d’exercice libéral en commandite par action (SELCA) basée sur les statuts de la société en commandite par actions (SCA).

Nonobstant ce vaste choix, les tendances actuelles de la profession démontrent que seules les formes de SEL et de SNC sont prisées par les praticiens. L’exercice de la profession sous forme d’EI et de SNC tendant à disparaitre, comme en témoigne le rapport de l’Ordre National des Pharmaciens qui, en 2017, dénombrait plus de 10 384 officines sous forme de SEL et moins de 6 000 officines cumulées sous forme de SNC, SARL et EI.

Chacune des formes juridiques offertes par le législateur aux praticiens présente des avantages et des inconvénients qu’il convient de mesurer préalablement à toute création ou reprise d’une officine de pharmacie.

L’Entreprise Individuelle

L’EI est la plus simple, mais également la plus ancienne forme d’exploitation de la pharmacie d’officine. Le pharmacien titulaire est propriétaire de l’officine en tant qu’entrepreneur individuel, ce qui lui laisse une grande liberté d’action au sein de celle-ci.
En contrepartie, le praticien voit son patrimoine personnel et professionnel confondus, le rendant ainsi indéfiniment responsable des dettes que pourrait avoir à recouvrer la pharmacie.

Fiscalement, le pharmacien va imputer le revenu qu’il perçoit de sa pharmacie à la base imposable de son impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Quant à son statut au regard du droit social, le pharmacien titulaire d’une pharmacie en EI appartient à la catégorie des travailleurs non salariés (TNS).

La Société en Nom Collectif

Dans le cas d’une SNC, qui est une société commerciale de personnes, la SNC est propriétaire de l’officine (et n’a donc pas besoin d’être inscrite au Registre de l’Ordre National des Pharmaciens) et les associés (qui doivent impérativement, en leur nom personnel, être inscrits au registre de l’Ordre) sont titulaires des droits et devoirs attachés à son exploitation.

Les associés, tout comme dans l’EI, sont responsables solidairement et indéfiniment sur leurs biens personnels des dettes contractées par l’officine.

D’un point de vue fiscal, le bénéfice généré par la pharmacie est reparti entre les associés, qui l’imputeront respectivement au titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) à leur base imposable, permettant ainsi le calcul de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP).

En outre, la SNC a la possibilité d’opter pour le régime fiscal de l’impôt sur les sociétés (IS) et de bénéficier par conséquent de l’ensemble d’avantages susceptibles d’en découler.

La Société à Responsabilité Limitée

La SARL étant une société commerciale de capitaux, les associés ne sont redevables des éventuelles dettes de la société uniquement à hauteur de leurs apports. Ceux-ci disposent également de la possibilité de fixer librement le montant du capital social.

Sur le plan fiscal, la SARL est soumise de plein droit à l’IS. Toutefois, la SARL peut opter pour l’IR, lorsqu’il s’agit d’une SARL de famille ou si celle-ci a été constituée depuis moins de 5 ans. Cette option pour le régime de l’IR est irrévocable et a pour conséquence que la SARL ne s’acquitte d’aucun impôt. Seuls les associés sont redevables de l’IR au titre de la rémunération qu’ils perçoivent ; cette rémunération n’étant par ailleurs pas déductible du résultat de la société.

Quant aux cotisations sociales, celles-ci sont calculées sur le revenu de chacun des associés, le cas échéant.

Enfin, il convient de préciser qu’une SARL ne peut être propriétaire ou copropriétaire que d’une seule officine. À ce titre, il lui est interdit de prendre des participations dans une autre officine ou une société exploitant une officine.

L’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée

Le statut d’EURL est issu de la loi n°85-697 du 11 juillet 1985, modifiée par la loi n°94-126 du 11 février 1994. Il s’agit en réalité d’une SARL à associé unique.

Ainsi, tout comme dans la SARL, la responsabilité est limitée aux apports réalisés par les associés.

Sur le plan fiscal, l’EURL est une société imposée à l’IR avec possibilité, dans les deux premiers mois d’exercice comptable, d’opter pour l’imposition à l’IS de manière irrévocable. Cette option permet notamment aux praticiens de n’être redevables de l’impôt et des cotisations sociales qu’au titre de la rémunération effectivement perçue et de leurs dividendes.

La Sociétés d’Exercice Libéral

Les SEL ont été introduites en droit français par la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990.

Le capital d’une SEL de pharmacie doit obligatoirement être détenu par des pharmaciens. L’accès au capital à des non-pharmaciens est à ce jour interdit. À ce titre, la loi permet aux praticiens de détenir jusqu’à deux participations minoritaires dans deux autres SEL de pharmacie, en plus de la pharmacie dans laquelle ils exercent personnellement.

Quant à la SEL, celle-ci peut également détenir jusqu’à deux participations minoritaires dans deux autres SEL de pharmacie.

La SEL est ainsi l’unique outil permettant à un pharmacien d’être associé de la société qui exploite l’officine dans laquelle il exerce et d’être simultanément associé de la société exploitant une officine dans laquelle il n’exerce pas. Dans ce dernier cas, le pharmacien sera qualifié de « pharmacien investisseur ».

Il convient de préciser que le pharmacien exerçant dans une SEL ne peut exercer dans une autre pharmacie. De plus, la législation et la règlementation en vigueur ne permettent pas aux pharmaciens de constituer une SEL pluridisciplinaire.

À l’origine ce nouveau type de société a été créée pour permettre aux membres des professions libérales d’exercer leur activité́ sous forme de sociétés de capitaux et notamment, les SELARL, SELURL, SELAFA et SELAS. Il conviendra cependant de noter que chacune de ces sociétés est soumise à des règles qui leur sont propres et sont soumises à des contraintes inhérentes à leur forme sociale :

  • La SELARL : celle-ci partage les caractéristiques à la fois de la SEL et de la SARL. On note que la société peut être constituée d’un associé unique. On parle alors de SELURL qui est une SEL calquée sur l’EURL. De plus, les pouvoirs du gérant sont importants et il n’y a pas d’obligation d’avoir recours à un commissaire aux comptes, excepté si le chiffre d’affaires hors taxes de l’officine, le total du bilan et/ou l’effectif dépassent certains seuils.
  • La SELAFA : celle-ci partage les caractéristiques à la fois de la SEL et de la SA. La constitution et la gestion d’une SELAFA étant un peu lourde, cette forme peu répandue. Toutefois, pour des officines de taille importante ayant des investissements, des flux financiers et des effectifs justifiant une crédibilité à l’égard des banques et autres fournisseurs, ce modèle pourra être choisi. La responsabilité des associés sera limitée à hauteur de leurs apports respectifs au sein de la société. Les dirigeants quant à eux seront assujettis au régime général des salariés s’ils disposent d’un contrat de travail les liants à la SELAFA.
  • La SELAS : celle-ci partage les caractéristiques à la fois de la SEL et de la SAS. La SAS a été introduite récemment dans le droit français et l’ensemble des règles qui régissent la SAS sont calquées sur celles de la SA. La SAS diffère néanmoins de la SA par son fonctionnement et son administration qui sont grandement simplifiés.

Ce type de structure a été introduit par la loi n°2001-420 du 15 mai 2001, complétée par la loi MURCEF. En effet, la SELAS permettait à un pharmacien « non-exploitant » de détenir plus de 50 % (jusqu’à 99,99 %) du capital, ne laissant qu’au pharmacien titulaire « exploitant » une part « faible » du capital. Celui-ci était donc minoritaire en capital, mais restait néanmoins majoritaire en droit de vote. Ainsi, le législateur, à travers la loi Dutreil 2, a contraint le pharmacien titulaire exploitant à détenir au minimum 5 % du capital. Le décret n° 2013-466 du 04 juin 2013 a quant à lui interdit la constitution de SELAS dans lesquelles le ou les pharmaciens exploitants ne détiendraient pas la majorité́ du capital.

La Société de Participation Financière de Professions Libérales (SPFPL)

La société de participations financières de professions libérales (SPFPL) a été créée par la loi MURCEF du 31 décembre 1990. Ce nouveau type de société commerciale a pour objet principal la détention de parts ou d’actions de sociétés d’exercice libéral (SEL) et son intérêt est de faciliter l’exercice en groupe des professions libérales.

Les principales finalités de la constitution d’une SPFPL sont notamment :

  • l’acquisition d’une ou de plusieurs sociétés d’exercice en bénéficiant d’un effet de levier ;
  • l’intégration à une structure existante d’un nouveau praticien ;
  • l’organisation d’une structure de contrôle et d’organisation de différentes structures d’exercice.

Les SPFPL peuvent être créées sous la forme d’une SARL ou d’une société par actions (SAS, SA, SCA).

Afin de pouvoir exercer leurs activités, les SPFPL doivent d’abord s’inscrire aux ordres professionnels concernés. Ce n’est qu’après cette inscription que la SPFPL peut être immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés.

Les principales règles de fonctionnement de la SPFPL sont celles applicables aux différentes formes sociales sous lesquelles la SPFPL peut être constituée, et les associés ne sont responsables que dans la limite de leurs apports.

En conclusion, seule une approche au cas par cas des formes juridiques existantes permettra de déterminer le choix le plus adapté à l’exercice de la profession. Il est donc vivement conseillé aux praticiens de s’entourer de professionnels expérimentés dans les domaines concernés (avocats, experts-comptables etc.) afin de déterminer le schéma et la structure les plus adaptés à leur projet de création ou de reprise d’une officine de pharmacie.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Quelle société choisir pour exploiter une officine de pharmacie ?